Départ : Modane (1060 m)
Longueur : 355 km
Denivelé : 13690 m
Massifs : Mont Cenis, Queyras / Alpes Cottiennes, Monges, Haut Var / Haut Verdon / 3 Evêchés
Sommets associés : Mont Froid Lac de la Blanche Col de Longet L'Oratoire Tête du Vallon du Loup Col de Péas Rocher de La Baume Les Chemins du Soleil (Sud) Rocher du Dromont Punta Toasso Bianco Punta Tricuspide L'Erellaz
Sentiers associés :
Sortie du dimanche 28 octobre 2018
Conditions terrain
Semaine exceptionnelle. Météo parfaite. Terrain sec partout, partout, partout...
- Mont Froid final par le fort : j'aime
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Compte rendu
Iti suivi : voir trace
Avanza !
Avanza ! Progresser, avancer, ne pas se retourner et suivre son chemin.
Avanza ! Pédaler, marcher, pousser, porter, ne jamais abandonner.
Avanza ! Rêver, imaginer, réaliser.
Je quitte la maison dans la nuit noire d’un samedi d’automne. Je roule mon baudet chargé pour plusieurs jours d’autonomie jusqu'à la première gare de proximité. Je quitte ma zone de confort, l’esprit encombré de doutes et d’incertitudes sur un itinéraire qui se dévoilera à l’avancée. Malgré l’habitude, malgré les nombreuses expériences, le trac est toujours présent. La crainte d’oublier un truc essentiel envahit ma pensée. Tant pis ! Il est déjà trop tard pour faire demi-tour. Rendez-vous est pris avec Dame Aventure. Le cap du départ est franchi. C’est le plus délicat, avec la décision de faire ou ne pas faire. Maintenant il s’agit de dépoussiérer ses rêves et les lustrer dans le monde réel. Si on l’a rêvé, on peut le réaliser. Entre les deux, c’est le monde de la volonté.
Me voilà donc entré dans ce monde d’entre deux. C’est le plus incertain et le plus aléatoire, celui où l’on se confronte aux éléments extérieurs, la pente, le dénivelé, la météo, mais surtout à son propre intérieur. C’est le moment de vérité, où l'on demande à son corps de répondre présent pour une durée qui peut semblait peu raisonnable pour le commun des mortels. Le mental est le guide de ses exploits, aussi ambitieux soient-ils. Sans guide, point de salut, sans mental point d’Aventure. Le corps répond au guide, il répond au mental. Le corps peut encaisser des excès, le corps peut souffrir, le corps peut opposer une résistance, mais c’est toujours le mental qui a le dernier mot.
Dans ce monde d’entre deux, qui a duré sept jours, j’ai pu mesurer à quel point l’esprit a dominé le corps. Le guide a sauvé les meubles ! A plusieurs reprises, le corps a été confronté à l’impossible, à l’inimaginable. Ses objections ont été nombreuses, notamment en fin de journée. J’entends encore sa détresse face à la dernière difficulté du jour. Je l’entends gémir de douleur sous le poids du baudet. Mais à chaque fois, c’est le guide qui a eu le dernier mot, c’est le mental qui a guidé le corps vers le haut, attiré par la dernière lueur du jour. Passo dei Trinceramenti, Colle dell’ Assietta, Col Chabaud, Col de la Noire, Sommet de l’Oratoire ou encore le Sommet de la Laupie, à chaque fois c’est le même rituel. Fin de journée, soleil couchant, un dernier col, une dernière ascension, non pas pour trouver le graal, mais simplement pour basculer sur le versant qui offre un peu de chaleur du soir ou un peu de confort dans un refuge d’hiver ou autre bivouac italien. Si le corps souffre de cet entêtement de l’esprit à pousser toujours un peu plus loin le bouchon, jusqu’à tutoyer le crépuscule, il reconnaît bien volontiers qu’il est agréable de profiter de temps à autres d’un feu de poêle et de se prélasser sur de bons matelas. L’esprit n’est pas en reste. Il sait aussi savourer ces moments simples mais tellement intenses d’ouvrir une porte d'un refuge d’hiver dont il ne connaissait même pas l’existence, faute de voyager à l’instinct, à l’inspiration, au jour le jour. Refuge Avanzà, bivouac Enrico Olivero, refuge du Seignas, ont été ces lieux de réconciliation entre le corps et l’esprit. Des havres de paix et de solitude automnale.
Vers le bas, sous l’effet gravitationnel, c’est moins conflictuel entre le corps et l’esprit. Il y a comme une certaine connivence, une jouissance commune. Dans ces instants, où l’esprit est à la recherche du beau, du flow, du technique, le corps sait abuser avec délectation de l’objet vélo pour se refaire la cerise. Cette complicité corps, esprit, vélo a atteint son paroxysme dans les 2400 m de descente stratosphérique et improbable de Passo dei Trinceramenti à Suse, dans les douze km de flow du Col de Longet ou encore dans l’enivrante descente du Col Péas sur Soulier. Et j’en oublie ! Il serait fastidieux, ici, d’énumérer les 20 cols gravis et descendus. Mais il est un sentier, inclassable, croisé au hasard de la descente du col Basset, qui a marqué les esprits. Né du génie humain, le sentierio Gelindo Bordin (nom du premier marathonien italien champion olympique à Séoul en 1988) surplombe en balcon le Val Chisone sur près de huit kilomètres. C’est enfantin, c’est beau, c’est flow ! Il est la suite logique de cette séquence haute en couleur et haut perché le long des 30 km de la dorsale de l'Assietta, faisant suite à la terrifiante ascension del Colle delle Finestre depuis Suse.
Quand approche la fin temporelle d’une telle itinérance, l’esprit est mis à rude épreuve pendant que le corps se remet de ses blessures. Les nuits sont courtes, le sommeil léger, l’esprit est en ébullition. Quelle option choisir ? Quel itinéraire prendre ? L’espace temps sera-t-il suffisant pour rejoindre la civilisation et ses infrastructures de transport. L’esprit en bon guide doit prendre des décisions. Le corps suivra ! Ces choix sont d’autant plus délicats à prendre quand on n’a aucune référence sur l’itinéraire choisi à la simple lecture d’une carte. On peut faire appels à des amis, à des esprits bienveillants, qui jouent le rôle de texto routeur et vous guident pour franchir ces derniers obstacles d’une itinérance déjà réussie. C’est ainsi que la traversée des Monges par la Crête de Val Haut a été la cerise sur le gâteau de cette itinérance d’exception. La cerise a été dure a avaler à trois reprises, mais au final elle avait un goût exquis.
Dernière gravitation sur Sisteron, la douceur de son arrière pays enivre les sens. L’esprit et le corps sont dans un état second, comme en lévitation. Les maux, les douleurs, les doutes, les angoisses… tout est estompé. Plus rien ne peut les atteindre. Ils sont en état de grâce, au bout du chemin.
#1 Modane - Refuge Avanzà
50 km D+ 2800m / trace J1
#2 Refuge Avanza - Refuge Casa Assietta
47 km D+ 2250m / trace J2
#3 Refuge Casa Assietta - Les Fonts de Cervière
46 km D+ 1360m / trace J3
#4 Les Fonts de Cervière - Col de Longet
47 km D+ 2400m / trace J4
#5 Col de Longet - Lauzet-Ubaye
77 km D+ 1330m / trace J5
#6 Lauzet-Ubaye - Refuge du Seignas
52 km D+ 2700m / trace J6
#7 Refuge du Seignas - Sisteron
36 km D+ 850m / trace J7
7 jours / 355 km / D+13690m