Départ : Banyuls (1 m)
Longueur : 227 km
Denivelé : 10000 m
Massifs : Albères / Vallespir / Aspres, Cerdagne / Capcir /Conflent
Sommets associés : Pic Neulos Tour de Batère Crête du Barbet Puig de la Collada Verda Pla Guillem Pic de les Nou Fonts Col de l'Ouillat Torre de Madeloc Portella de Lanos Les Esquerdes de la Rotja Chalet des Cortalets Pic de la Fossa del Gegant
Sentiers associés :
- Porteille de Mantet > Mort de L'escoula T2GPX
- Pic de la Dona > Porteille de Mantet T4GPX
- Vallée d'Eyne T4GPX
- Sentier du bord de la têt : La Borda > La passerelle du Camping T2GPX
- Sentier du bord de la têt : Pla des Aveillans > La Borda T1GPX
- Les crêtes du Barbet > Chalet des Cortalets T4GPX
- Col de Cirera (nord) T5GPX
- Pinatell > Ras de Prat Cabrera T3GPX
- Pinatell > Estanyol T4GPX
Sortie du jeudi 02 septembre 2021
- Porteille de Mantet > Mort de L'escoula : Un des plus roulants du secteur
- Pic de la Dona > Porteille de Mantet : Fait à la montée en portage
- Vallée d'Eyne : Le début de la descente de la Coma d’Eina est très belle (T3). Puis peu à peu se profilent les difficultés, avec mêmes quelques passages en T5+/T6 très cassants ; l’essentiel de la descente, longue, est en T3, T4, T4+ mais secoue pas mal tout le long et jusqu’en bas.
- Sentier du bord de la têt : La Borda > La passerelle du Camping : Toute cette combe suspendue que traversent les méandres de la Têt est tout simplement magnifique. On se croirait au Canada !!
- Sentier du bord de la têt : Pla des Aveillans > La Borda : Toute cette combe suspendue que traversent les méandres de la Têt est tout simplement magnifique. On se croirait au Canada !!
- Les crêtes du Barbet > Chalet des Cortalets : Fait à la montée (portage)
- Col de Cirera (nord) : Le départ du sentier est superbe Mais le premier balcon passé, ça se corse pour de bon : de la blocaille de partout (typique du terrain granitique), dans tous les sens, même pas du beau vélo technique, juste du casse patte au sens littéral du terme ; il faudrait un gros gros niveau et un bon engagement pour faire tout ça sur le bike (5+)…
- Pinatell > Ras de Prat Cabrera : de belles sections de single traversant, mais encore des amas de blocs ici et là. Ça roule pas trop mal vers le fond du vallon et dans la remontée au Ras de Prat Cabrera
- Pinatell > Estanyol : Fait dans le sens Estanyol -Pinatell : quasiment pas roulable(ou alors, ce serait au prix de quels efforts et quel engagement ??)
Compte rendu (par Mika)
Iti suivi : Banyuls-sur-Mer / Massif des Albères / Haut Vallespir / Canigou / Crête frontière franco-espagnole / Haute Cerdagne / massif du Carlit / l'Hospitalet-près-l'Andorre
La traversée des Pyrénées Orientales à VTT constituait la première partie de notre projet de traversée intégrale de la chaine. Sylvie avait déjà fait une tentative de traversée pédestre et solo du massif en 2015 par la HRP, avortée après une dizaine de jours à son entrée en Ariège en raison d’une aponévrosite (tendinite du pied) handicapante. Ne pas refaire à pied ce qu’elle avait déjà fait 6 années plus tôt était un facteur de motivation pour elle. De mon côté, j’étais séduit par l’idée de mixer les approches VTT et pédestres, donnant ainsi un caractère singulier à notre projet.
En fouillant sur vttrack, j’ai vite constaté que Vttour, Singletrack (et d’autres sites pourvoyeurs de traces commentées) n’étaient pas des outils très utilisés par les Pyrénéens (c’est d’ailleurs encore plus marqué sur la partie ouest de la chaine). Et comme je manquais de temps pour questionner les quelques locaux des PO présents sur VTTour, je me suis dit que l’on ferait avec ce que l’on trouverait sur place : évidemment, si d’aventure mes choix nous emmenaient sur des beaux singles, ce serait parfait, mais la philosophie de la traversée était ailleurs : se maintenir sur les hauteurs de la chaine (donc, pour l’essentiel, suivre la HRP) et composer avec les difficultés du terrain, quitte à ne pas « faire du très beau vélo »…
Cet itinéraire n’a donc vraiment de sens que parce qu’il fait partie d’un tout (j’ai rédigé un paragraphe – que je mets après le récit - qui explique la logique de la construction de l’itinéraire dans sa globalité). Pas certain que je le recommande pour une virée de quelques jours seulement : il y a certes le plaisir d’être vraiment en montagne, « d’enquiller » les cols et les crêtes comme on enfile des perles, de vivre une aventure mais le terrain est souvent cassant, pas toujours agréable à rouler, usant, obligeant régulièrement à pousser ou porter les bikes même sur des sections descendantes. Les distances couvertes et les dénivelés sont réduits, alors qu’on a bien notre dose à chaque fin d’étape… On s’en doutait (et le redoutait) un peu avant de partir. C’est peut-être aussi un peu pour ça que je n’ai pas trop sollicité d’avis avant le départ : mieux valait garder l’illusion que ça puisse être roulant !
J’ai découpé la traversée de la chaine en 4 sections différentes ; la traversée des PO à VTT en est la première. Ont ensuite suivi 2 sections à pied dans la partie centrale de la chaine (32 jours je crois) dont je ferai peut-être le récit sur une autre site (je mettrai en tout cas des photos, une fois celles-ci traitées sur ma page FB ; si certains d’entre vous sont intéressés…)
La 4ème section (traversée du pays basque à VTT) fera l’objet d’un CR ici plus tard…
La traversée totale nous aura pris 49 jours (incluant 2 journées de repos).
Allez, venons-en au CR de la première section :
Le 9 juillet, on part de la région toulousaine où nous avons laissé la voiture et le matos de rando chez une des filles de Sylvie. Il est convenu que Sarah vienne récupérer les vélos à l’Hospitalet-près-l’Andorre (limite des PO, de l’Ariège et de l’Andorre) 8 jours plus tard. On rejoint donc Banyuls-sur-Mer en train où nous avons réserver une chambre (on aura bien le temps de faire du camping les jours suivants !).
J1 (10 juillet) : Banyuls-sur-Mer / Fontaine de la Tanyareda (versant est du Puig Neulos)
Inquiets de souffrir de la chaleur, nous quittons les bords de la Grande Bleue au soleil levant. A cette heure, Banyuls est paisible. J’avais initialement envisagé un départ du Cap Cerbère qui, davantage que Banyuls, se trouve à l’extrémité orientale de la chaine et sur la frontière avec l’Espagne. Mais les recherches faites sur le net m’ont finalement dissuadé de prendre cette option : le cheminement serait d’entrée de jeu plus compliqué et plus long, très up and down et surtout sur des sentes qui semblent étroites, buissonneuses, voire quasi inexistantes par endroit. J’en connais une qui allait grincer des dents rien qu’à l’idée de se mettre dans le rouge dès le départ… Ne soyons pas plus royaliste que le roi, le GR10 et la HRP débutent tous deux à Banyuls, ce joli petit village fera un très bon point de départ…
La petite départementale D86 permet de se mettre en canne et de gagner les premiers 400 m de D+ facilement dans une belle ambiance de vignobles accrochées aux versants et avec de belles vues sur le littoral. Ultime répit en zappant encore le GR10 par une piste en balcon jusqu’au col de Vallauria (416 m). On roule ensuite quelques instants sur un beau single (on y croise d’ailleurs un vttiste… on les comptera sur les doigts de la main ceux que nous verrons jusqu’au pays basque), on s’acharne autant que possible tant que ça ne grimpe pas trop, mais à 550 m les vélos se retrouvent sur nos épaules et on monte en crabe sur un sentier (un T4 / T5) taillé dans les buissons de genets pour ne pas rester prisonnier de cette végétation buissonneuse…
On débouche sur une première crête au Puig de Sallfort (950 m), premières vaches et, les pauvres, une herbe déjà jaunies par le soleil. La suite, jamais très loin de la ligne de crêtes et en bordure de la réserve naturelle de la Forêt de la Massane), est plutôt sympa : ça monte et ça descend, le sentier est assez roulant, même si nous poussons à diverses reprises (on n’est pas affutés pour deux sous et les sacs sont un peu lourds). 1er plein d’eau à la fontaine de la Maçana : ça ne coule quasiment pas, conséquence d’un printemps très sec dans les PO. Sylvie fait la fine bouche en constatant que les vaches piétinent (et chient) dans le ruisseau ; je ne suis pas aussi bégueule : nos camels sont équipés de filtres et nous avons en plus du micropur, rien ne résistera à tout ça. En revanche, nous ne tiendrons pas longtemps sans eau et si on fait la fine bouche dans ces coins peu arrosés…
Certains passages dans la hêtraie sont tous simplement magnifiques sur le plan paysager (ça se roule pas trop mal non plus dans l’ensemble) : étonnant ce petit massif des Albères, si près de la mer et pourtant bien vert et joliment boisé, une belle surprise !
Bivouac sympa à la Fontaine de la Tanyareda, en compagnie de randonneuses de tout âge et à l’abri du vent du NW, sur un joli replat herbeux, à 100 m d’une source abondante. La vie est belle !
J2 (11 juillet) : Fontaine de la Tanyareda (versant est du Puig Neulos) / Salt de l’Aigua (vallée de Montalba)
On s’échauffe avec un portage d’env 200 m jusqu’au Puig Neulos (1250 m), puis belle descente propre dans la hêtraie à partir du Roc des Tres Termes et belle traversée roulante (T2/T3) ensuite. S’en suit une longue portion descendante sur piste (et là on est vraiment content d’être à vélo !) en direction du Perthus. Un petit single un peu plus cassant (T3) achève la descente vers ce bled frontalier pris entre l’autoroute et l’assaut des badauds venus consommer quelques biens détaxés. Mouais… pas le coin le plus sexy de cette traversée ! Bref, rien ne nous retient à ce point bas et on enchaine sous un cagnard acceptable les sections de pistes, de petites routes et à l’occasion de singles qui mènent au bled suivant, las Illas. On double sur cette portion une randonneuse solo, on discute un peu, elle tente aussi la traversée par la HRP (en basket !) ; lors d’un arrêt ou je resserre un rayon de la roue arrière de Sylvie, elle nous redouble. Nous mettons ensuite un temps hallucinant sur une piste légèrement montante à la rattraper : la nana file à Mac2. Merde, nous qui pensions mettre un vent aux randonneurs sur ce genre d’étape, eh ben, c’est pas si évident…
Début d’aprem, ça cogne sévère dans la chênaie à chênes vert, on « transpyr » comme des cochons sur la piste qui monte vers le Roc de France. Côté espagnol, une tout petite route assez raide prend le relais et nous permet d’atteindre le sommet sans couler une bièle. Sur la carte, un sentier en part vers l’ouest. Dans la réalité, c’est une maigre sente peu empruntée dans une végétation dense : portage « sanglier » jusqu’à la Collada de Sant Marti !
La première partie de la descente vers Montalba via le Coll Cerda, assez facile au début, offre ensuite quelques passages relativement soutenus (4+ et 5). On y va mollo, on roule moins détendus qu’à l’accoutumé, bien conscients qu’il vaut mieux éviter une mauvaise chute dans un projet aussi long. La partie traversante (quelques remontées nécessitant quelques poussettes) vers Montalba, en versant nord, est bien roulante dans l’ensemble. On refait le plein d’eau à la fontaine déjà chancelante en ce début d’été de ce hameau perché et isolé. J’ai bon espoir de trouver un endroit plat plus en aval, au fond de la gorge. On poursuit donc (T2 sous le hameau, puis T3 le long du torrent).
Il est tard, nous avons notre dose, mais pas simple de trouver un coin plat où bivouaquer dans cette gorge rocailleuse. Les terrains envisagés sur la carte ne s’avèrent pas propices, on tourne, on cherche et on finit par se dire que ce sera une nuit à la belle étoile sur les galets au bord du ruisseau.
Bain bienvenu dans un « planiol » accueillant pour se défaire de la transpy et de la poussière accumulée, un repas et la nuit tombe sous un ciel complètement dégagé. Mais 1H30 plus tard, Sylvie me réveille à cause du vent ; je l’envoie pêtre, le vent peut souffler, j’ai juste besoin de dormir… Mais en effet le vent annonçait bien la pluie (comme le pressentait Sylvie ; c’est ça l’instinct féminin ?) et celle-ci nous fait plier le camp en 4eme vitesse. On ne voit rien d’autre à faire que de prendre la petite route qui descend vers Amélie-les-Bains, 10 kil plus loin, où nous pourrons peut-être trouver un coin où planter cette foutue tente. Chemin faisant, dans le faisceau de la frontale, sous la pluie et sur le bas-côté de la route, je constate la présence d’une petite aire de pique-nique avec de l’herbe : le seul endroit plat à des kilomètres à la ronde dans ce secteur ! On remonte la tente là et on termine la nuit (on apprendra e lendemain que le vent a vraiment était tempétueux dans la vallée du Vallespir ; finalement, dans nos petites gorges, on s’en est pas trop mal tiré…)
J3 (12 juillet) : Salt de l’Aigua (vallée de Montalba) / Cabane de l’Estanyol (massif du Canigou)
Pour éviter de descendre à Amélie-les-Bains par la route, nous prenons un sentier récemment tracé par et pour des trailers et pas porté sur la carte : inroulable, ça grimpe et ça descend fort dans les versants au-dessus de la gorge ; ça nous lasse vite, d'autant que reparti un peu en arrière pour prendre ce sentier, on n'en ressort même pas au point où nous avons dormi !! Basta, arrêtons de tourner en rond, filons par la route jusqu’au Roc de la Merla et descendons par un joli sentier passant par une source d’eau chaude juste au-dessus d’Amélie-les-Bains.
Ravitaillement, café, petit dej… Le temps passe et il fait une chaleur à crever quand nous remontons (par la route) au village de Montbolo. On enchaine ensuite par de longues pistes (via les cols de la Reducta et Formentera et la Tour de Batere) qui n’ont guère d’intérêt que de nous faire gagner de l’altitude de façon progressive. Rien d’exceptionnel à voir dans ce secteur du Haut Vallespir, ça n’est pas encore la montagne, juste des collines boisées qui se ressemblent toutes. Goûter au refuge de Batère, puis nous grimpons au col de Cirère que nous passons dans le brouillard. Le départ du sentier est superbe et j’en viens presque à me dire que Bruno a un peu exagéré quand il m’a dit que ça n’était pas roulant… Mais en effet, le premier balcon passé, ça se corse et ça devient « du grand n’importe quoi » : de la blocaille de partout (typique du terrain granitique), dans tous les sens, même pas du beau vélo technique, juste du casse pate au sens littéral du terme ; il faudrait un gros gros niveau et un bon engagement pour faire tout ça sur le bike (5+)… et accessoirement pas une traversée de chaine à faire non plus, parce que bonjour la dépense d’énergie ! Déjà qu’à pied avec le vélo sous le bras, c’est pas coton. Quelques centaines de mètres roulables juste avant la cabane ne sauvent même pas les apparences. Le ciel est chargé, on s’installe dans la cabane qui est très rudimentaire et un peu sombre. Mais bon, avec la pluie qui se met à tomber, qui dure toute la soirée et l’orage qui gronde, on se dit qu’on est très bien là, à l’abri…
J4 (13 juillet) : Cabane de l’Estanyol / Refuge forestier de Mariailles (massif du Canigou)
De la cabane de l’Estanyol à l’abri du Pinatell, on a été prévenu, ça ne roule pas ! (ou alors, ce serait au prix de quels efforts et quel engagement ??) Au moins avons-nous le sentiment d’être enfin entré, en ce 4ème jour de traversée, en territoire de montagne, dans ces versants raides occupés par la hêtraie-sapinière et des éboulis de granite.
La cabane du Pinatell est plus sympa (plus récente aussi) que celle de l’Estanyol et contrairement à ce qu’on nous a indiqué, la source coule encore (mais peut-être plus pour très longtemps ; celle de l’Estanyol est clairement plus abondante et donc pérenne). Au-delà, le sentier traversant se fait progressivement plus roulant (de belles sections de single traversant, mais encore des amas de blocs ici et là). Ça roule même pas trop mal vers le fond du vallon et dans la remontée au Ras de Prat Cabrera où la vue porte à nouveau sur la mer, par-delà les plaines du Roussillon. Un bout de piste nous amène au refuge des Cortalets, sur le versant nord du Canigou. Le site autour du refuge est superbe. Ça pèle sévère, fort vent de NW, averses de pluie et de grêle, nuages qui accrochent le Pic du Canigou… Hum, ne serait-il pas plus sage de contourner le sommet par l’ouest ? Valse hésitations. Mais finalement un rayon de soleil nous pousse vers la Crête du Barbet comme initialement prévu.
Bonne pioche sur le plan météo, car celle-ci montre des signes d’amélioration (tandis que Sylvie, elle, montre des signes de fatigue). On grimpe vélo sur le dos en lisière d’une très belle pinède de pins à crochets et à travers un sous-bois de rhodo en fleur, au nord se dessine la vallée de la Têt et le pays du Conflent, et plus loin encore, toujours cette longue barre rocheuse qui doit marquer le seuil méridional des Corbières. La grêle tombée nuitamment persiste encore sur la crête du Barbet, les nuages défilent au-dessus du Pic du Canigou, plus haut d’une centaine de mètres que notre crête, mais la visi d’ensemble est plus que correct. Pas le temps de prendre la pose au point haut, on bascule vers la Portella de Vallmanya par un sentier bien roulant dans l’ensemble (de mémoire, 1 ou 2 passages en T4 en début de descente). Mais pour rejoindre le vallon de Cadi, ça se corse et on alterne roulage prudent et poussage sur tous les passages un peu chauds (T4 à T6 engagé – versant raide, chute interdite). Ça redevient plus facile (T3 / T4) en amont et juste en aval de la cabane d’Arago, mais le sentier n’est pas plaisant à rouler (pas propre du tout). Puis en rive gauche du torrent de Cadi, c’est vite l’enfer : inroulable ou vraiment très difficile (franchissements très « heurtés » dans les blocs de granite… pas du beau vélo). Donc on pousse car on est fatigué de monter et descendre sans arrêt des bikes. On n’en voit pas la fin… D’autant que Sylvie, déjà passée par là 6 ans plus tôt, m’avait vendu un single sympa (elle me dit : « j’ai le souvenir de m’être dit à l’époque que ça devait être bien à vélo » ; je pense qu’avec le temps qui passe, elle a juste dû oublier la négation forcément présente dans sa pensée initiale… Ou bien est-ce une nouvelle conséquence de l’instinct féminin ? :-) )
Ça roule à nouveau un peu mieux en fin de descente mais toujours très haché et pas vraiment agréable, du genre casse-machine…. Bref, tout ce vallon n’est pas un incontournable, c’est le moins qu’on puisse dire (les locaux me diront : « ah ben oui, fallait demander, on t’aurait dit ! » ;-) )
On prend le diner au refuge des Mariailles car nous sommes un peu courts en nourriture (il nous faut 4 jours d’autonomie sur cette section entre Amélie-les-Bains et Font Romeu, il nous manque 1 ou 2 repas). Le site en arrière-plan du refuge (Canal de la Xalada), taillé à la serpe dans un granit franc, est magnifique avec ses tours rocheuses dominants diverses gorges… Un petit air de Corse. Les averses qui continuent sur les lignes de crêtes plus à l’ouest de déverser leur chargement, nous incite à nous réfugier dans la vielle cabane de Mariailles. Mais une bande de jeunes arrivés tardivement pour fêter ici un enterrement de vie de garçon fait que l’on se retrouve agglutiné à 10 ou 12 dans un petit dortoir sous les toits. Vive les mariés !
J5 (14 juillet) : Refuge forestier de Mariailles (massif du Canigou) / Estany de Bacivers
L’étape s’annonce un peu longue, d’autant que nous avons raccourci celle de la veille déjà bien exigeante. On démarre donc tôt et on remonte la longue piste qui mène à Pla Guillem. Le vent piquant du nord, qui brosse des nuages d’altitude, nous y attend. Sur ce plateau, on se croirait dans les Causses. On voit ici notre premier isards, et vers l’est les sierras catalanes qui forment la frontière entre France et Espagne. La suite déroule bien pendant un petit moment à travers un vaste paysage de pelouses parsemées de blocs et ça redevient plus cassant après la Collada de Roques Blanques (alternance de courts roulages, de poussages, de portages). Vers la Pla de la Maso, on croise un couple en balade. Lui fait du vtt et est du coin. Il nous met en garde sur un passage en crête qui nous attend plus loin…
On laisse Roca Colom à main gauche pour traverser un vaste pâturage où l’on cherche la sente. Celle-ci réapparait et devient bien roulante sous le Puig de la Llosa et sur le Pla de Coma Ermada. Nos montures font fuir une harde d’isards manifestement peu farouches : tout ce massif est protégé par diverses réserves naturelles contigües et les populations d’isards y semblent bien portantes (contrairement aux hautes vallées ariégeoises, pourtant bien plus sauvages, mais sans aucun statut de protection et où la faune semble se réduire à peau de chagrin).
Le temps menace à nouveau mais on prend la décision de poursuivre tel que programmé : on quitte ici la HRP (qui descend vers la station de ski espagnole de Vallter 2000) afin de rester sur la crête frontalière - finalement, pourquoi ne pas tenter d’être plus royaliste que le roi ? Depuis la Portella del Mantet, nous portons (300 m de D+) jusqu’au Pic de la Dona, dans le nuage (pourvu que ça ne tourne pas à l’orage comme annoncé…). Un beau sentier file ensuite vers l’ouest (T2, puis T3+ vers le Pilo de l’Esquena d’Ase) par la croupe nord du sommet. On croise un randonneur qui s'étonne de nous voir là avec des vélos et à nouveau nous met en garde pour la suite ; il nous dit s'être un peu fait peur sur un passage, le même donc qu'évoquait le sympathique couple rencontré hier (merde, j’ai pourtant, en préparant la trace, épluché les CR de randonneurs que j’avais trouvé en ligne, rien ne semblait très compliqué)… Un peu de portage pour atteindre le col dell Gegant et on quitte la crête pour rejoindre l’Estany de Bacivers. Nous prenons manifestement la place d'une harde d'isards qui paissaient tranquille jusque là. Un bain rapide dans le lac sous le brouillard et on se met à l’abri sous la tente. Parviendrons-nous à passer ces inquiétantes crêtes demain ?
J6 (15 juillet) : Estany de Bacivers / Pla de Barres (haute vallée de la Têt)
En portage, nous atteignons rapidement le Pic del Gegant (2881 m) et ses étranges décorations par sa crête nord. Nous tentons de localiser le passage retors et envisageons les lignes qui peuvent nous mener de la façon la plus sûre au Pic de l'Infern. Peut-être qu'en passant directement par la crête nord de ce dernier, ça peut passer ? Pas évident de jauger la pente à 1 km de distance sans jumelle. On se ravise finalement car le haut de cette crête à l'air tendu. Un passage par un raide éboulis dans le versant nord-ouest du Pic de Freser semble plus franc. Quant à l'itinéraire normal, qui garde la crête frontière, on n'en distingue qu'une partie, et on imagine que les difficultés ne sont justement pas visible depuis notre point d'observation... Vélo toujours sur le dos, nous descendons la crête ouest clairement non roulable du Gegant. Au col de Coma Mitjana, nous discutons à nouveau avec un petit groupe d’espagnols sur le passage supposé retors qui nous turlupine. Nous optons finalement pour le contournement du Pic de Freser par ses éboulis nord : c'est pas très glamour mais c'est de toutes les possibilités celle qui a priori réserve le moins de surprises. Toujours en portage, on perd donc à nouveau une 100aine de mètres avant de remonter direct dans les éboulis pour récupérer la ligne de crêtes plus loin. En haut de l’éboulis, j’hésite sur le choix à faire et rejoins finalement la crête au plus court… Ahah, mauvaise pioche, nous débouchons au pied du passage retors ! C’est ballot, tout ce détour à l’écart de la ligne de crête pour finalement nous retrouver précisément à l’endroit qu’on souhaitait éviter… Maintenant qu’on est là, allons voir ! Ça passe en fait sans trop de soucis en prenant la bonne option. Pfff, encore une fois (je l'ai souvent remarqué), ne pas se fier aux jugements des autres ; surtout ceux des randonneurs qui n’ont pas idée de ce que l’on peut franchir un vélo sur le dos…
La vue depuis le Pic de l’Infern (2869 m) sur les lacs des vallons de la Carança vaut des points. Belle traversée descendante dans le versant ouest du Pic des Gours Blancs (T4-, du fait de l’étroitesse et de l’inclinaison de la pente), puis portage pour franchir une courte crête rocheuse, puis à nouveau un court roulage avant de remettre le vélo sur les épaules pour atteindre les Pics de la Vaca (2821 m). Ici la géologie est fantasque et les couleurs des sommets surprenantes. Une longue et belle section sans grandes difficultés mènent par les crêtes (Coll de Carança / Pic de la Fossa del Gegant) au col des Nou Fonts (la dernière descente vers celui-ci est plus soutenue – de mémoire, T4 avec 2 ou 3 passages en T5).
200 m de portage permettent d’atteindre le Pic des Nou Fonts. S’en suit un très beau single descendant jusqu’au coll de Nuria (le petit Pic d’Eina s’évite par une sente traversante sur sa facette sud). Le début de la descente de la Coma d’Eina est très belle (T3). Puis peu à peu se profilent les difficultés, avec mêmes quelques passages en T5+/T6 très cassants ; l’essentiel de la descente, longue, est en T3, T4, T4+ mais secoue pas mal tout le long et jusqu’en bas. Le vallon est beau, et le torrent cristallin appelle à la baignade…
Après le village d’Eyne, on remonte au col de la Perche en passant par le sentier balisé GRP Haute Cerdagne, via les Comes de Pallars : on se retrouve ici, soudainement, dans un environnement campagnard et champêtre, perché à 1500 m d’altitude. On fait un petit détour par Bolquère pour se réapprovisionner (comme toujours, affamés, on sort de la superette chargés comme des mulets !) et on file vers une zone qui semble idéale pour le camping : le Pla de Barres ou serpente la rivière Têt. Toute cette combe suspendue que traversent les méandres de la Têt est tout simplement magnifique. On se croirait au Canada !! (dans toute cette traversée des Pyrénées, on voyage pas mal et pour pas cher ;-) !) Dommage que je n’ai pas une petite canne pour aller taquiner la truite de ce cours d’eau idyllique… On campe à 3 m des berges, avec le glouglou de cette rivière tranquille en fond sonore et la visite de 2 chevreuils qui, se coursant, ne nous ont pas vu. Bivouac paisible, bivouac idéal !
J7 (16 juillet) : Pla de Barres (haute vallée de la Têt) / Sous le barrage de l’Etang de Lanoux
Nous poursuivons sur le chemin de la veille, le long des méandres de la Têt, cette fois dans la lumière matinale et à l’abri d’un vent du nord piquant. Il fait grand beau. Nous gagnons l’Estany de la Pradella, pris dans son écrin de verdure, par les pistes forestières qui grimpent dans le versant nord de la station de Font Romeu. Il y a du monde sur le chemin plat qui mène au lac des Bouillouses. Mais une fois le barrage passé, les rives se font nettement plus tranquille.
J’aurais souhaité passer par la Pic Carlit (en traversée, montée versant est, descendre à l’ouest). C’est quand même un gros morceau et Sylvie ne le sentait pas. Se séparer en passant, elle par les sources de la Têt et moi par le Carlit eut été possible mais ça signifiait de ne se retrouver qu’au bivouac sans pouvoir communiquer entre nous jusque-là. Si l’un de nous avait un quelconque ennui, c’était la galère assurée pour se retrouver. J’abandonne mon idée (d’autant que le sentier versant est semble être un boulevard aux dires de randonneurs croisés) et nous nous engageons tous les deux sur les très belles rives du lac des Bouillouses. Plus on avance et plus c’est beau ; l’extrémité nord compte quelques recoins paradisiaques. Mais question roulage, c’est très moyen car trop irrégulier. La remontée de la Coma de la Grava, pourtant peu pentue, est un peu mieux mais à peine (sente orniérée étroite). Question paysage, le vallon, très ouvert, est bordé au nord par une jolie ligne de crête et de sommets qui culminent autour des 2600 / 2700 m. Au lac de l’Estanyol, des chevaux trapus paissent avec les vaches l’herbe grasse des sources de la Têt.
Versant ouest de la Portella de la Grava, le niveau d’eau de l’Etang artificiel de Lanoux est bas. On alterne roulage et poussage selon le profil du sentier et trouvons enfin un terrain un peu ludique à rouler (un peu technique, quelques petites dalles sympathiques, T3/T4) en balcon au-dessus de l’extrémité sud de l’Etang de Lanoux. On plante la tente un peu en aval du barrage : c’est pas très sexy, des emplacements étaient plus sympa plus haut, mais on s’en contentera pour ce dernier bivouac du tronçon 1.
J8 (17 juillet) : Sous le barrage de l’Etang de Lanoux / L’Hospitalet-près-l’Andorre
A l’origine, j’avais imaginé passer par le vallon des Bésines, un chouilla plus au nord et probablement très joli. Mais une discussion avec un trailer qui connaissait les lieux nous en a dissuadés : pas roulant du tout avait-il prévenu ! Il nous avait « vendu » le passage par les Portella de Lanos et de Cortal Rosso comme plus sympa. En pratique, cette traversée sur une sente étroite et moyennement marquée en balcon au-dessus du vallon de Cortal Rosso ne s’avère pas extraordinaire. Un gros vent du nord nous cueille à l’Estany de Coma d’Or, et la descente dans le vallon de la Coma d’en Garcia se confirme sans intérêt (descente au 2/3 sur de la piste).
Une ultime petite remontée et on bascule par le GR 107 sur l’Hospitalet-près-l’Andorre : la sente est rapide dans l’ensemble, peu compliquée mais étroite et en partie recouverte par les herbes. On se méfie. Attention dans le bas, ça devient cassant et glissant sur les derniers arpents, ça serait con de se faire mal là !
A l’Hospitalet, le gîte est fermé, on crèche dans un vieil hôtel (il n’y a guère de choix) pour changer du camping. Sarah, la fille de Sylvie, nous a rejoint et nous a amené notre matos de marche et notre compagnon des 2 tronçons suivants, Tony. Pour fêter ça, on décide de se payer un resto. A l’Hospitalet, il n’y a rien qui fasse rêver (d’ailleurs, le village est à l’image de cette vallée : assez tristoune). Finalement, on passe par le tunnel de Puymorens pour aller manger dans un top petit resto au hameau de la Porta. On recommande !
Demain on attaque un gros mois de rando et un programme un peu musclé, on peut se lâcher sur les calories ! ;-)
Logique d’itinérance
La traversée de la chaine pyrénéenne constituait un projet global. L’objectif était de rester le plus possible sur les hauteurs. La Haute Route Pyrénéenne a été imaginée et conçue dans cet esprit-là. Mais plutôt que de suivre à la lettre le topo d’un parcours conçu par d’autres, j’ai préféré passer du temps sur les cartes pour imaginer le nôtre. D’ailleurs, la HRP propose de fait plein de variantes possibles qui témoignent de la diversité des choix possibles.
J’ai donc commencé par « dézoomer » la carte, afin de voir par où passer la crête faîtière du massif. Mais évidemment, la réalité n’est jamais aussi simple : il n’y a pas une ligne de crêtes continue mais un emboitement de lignes de crêtes principales et s’il y a des choix à faire, c’est quand et où passer de l’une vers l’autre pour garder un maximum de continuité dans les altitudes parcourues.
Ces questions concernent essentiellement la partie haute de la chaine. Faut-il par ex privilégier la ligne de crête qui sépare la Haute Ariège de l’Andorre ou bien clairement basculer côté andorran ? Faut-il revenir sur la ligne de crête séparant le Luchonnais de l’Aragon ou bien rester sciemment plus au sud, au sud du massif de la Maladeta et des Posets ?). A d’autres endroits de la chaine, les choix sont plus évidents : dans les PO par ex, la crête faîtière est bien celle de la frontière, entre Haut Vallespir et Haute Cerdagne et le passage par le Canigou n’est qu’un détour par le nord pour ne pas manquer ce sommet emblématique du début de la chaine. Au niveau du Val d’Aran, un détour par le sud et le massif des Aigues-Tortes s’impose également si l’on souhaite garder de l’altitude…