Région : Kirghistan
Départ : Bishkek (798 m)
Longueur : 972 km
Denivelé : 12622 m
Topos associés
Sortie du dimanche 04 août 2024
TiBougnat, gabinou
Conditions terrain
Belle météo tout au long de l'itinéraire avec quelques soirées orageuses
Compte rendu (par TiBougnat)
Plus qu'un récit... mes notes de mon carnet de voyage...
Mon graalJamais une destination ne m’aura autant fait rêver, jamais un pays ne se sera fait autant désiré. Ne me demandez pas pourquoi, ne me demandez pas si c’est justifié, mais pour moi qui voyage à vélo depuis plus de 20 ans, le Kirghizistan était devenu une obsession, un graal absolu. Celui qui te hante, celui qui envahit ton esprit, celui qui relègue toutes les autres aventures au second plan, à une simple formalité préparatoire en vue du grand jour. Quatre ans après une première tentative avortée en raison de la pandémie,
la réalité a rattrapé la rêverie… la réalité nous a plongé dans l’immensité Kirghiz ! Quel pays ! Quel voyage !
Une piste, un horizon
Au fond des vallées kirghiz, épousant les méandres des cours d’eau et les ondulations du relief, franchissant les cols et les hauts plateaux, la piste relie les nomades entre eux et leurs familles, la piste connecte les yourtes les unes aux autres… la piste, dans ces lieux isolés, comme seul vecteur de communication. La piste aussi, pour nous les vagabonds de passage, la piste, cette ligne de fuite qui vous attire vers cet horizon insaisissable, infranchissable… la piste ou ce don de vous inviter à poursuivre le voyage et à vous immerger dans l’immensité.
Kegeti Pass 3805
Brutal, minéral…
Son versant nord, piste russe taillée à la Napoléon dans un univers minéral, se laisse rouler à double sens. Son versant sud, taillé à la moscovite, est plus brutal et tolère tout juste aux pilotes aguerris de profiter de sa DH dans des lacets autant abruptes qu’austères. Remonter son versant sud n’a jamais été envisagé, même en plan B !
Nuances Kirghizes
« Nous y voilà ! Les ambiances Kirghizes ». Tous ces instants, ces images, ces paysages qu’on avait vu sur nos écrans ou imaginé dans nos rêves, toutes ces nuances, toutes ces ambiances sont là, sous nos yeux, encore plus réelles, encore plus belles ! Tout y est, ou presque ! Les yourtes, les bergers, leurs enfants, leurs chevaux, les sommets enneigés, les vertes vallées, l’immensité... et ce privilège, devenu rare, d’être seuls à profiter de pareils lieux. La Karakol Valley aura définitivement imprimé mon esprit rêveur, mon esprit de voyageur, comme un marqueur indélébile de cette aventure Kirghize.
Son-Kul par la petite porte
Depuis Bash-Kuugandy, on peut rejoindre les hauts plateaux de Son-Kul à 3000m d’altitude par l’itinéraire classique du Pereval Tjilbel Pass (3256m), plus roulant et moins difficile... mais aussi moins logique et moins esthétique... à mon goût ! L’autre option, celle que tous nous ont déconseillée, c’est d’arriver par le haut, par le nord, par la petite porte du Tuz-Ashuu Pass perché à 3400m. Seuls les locaux s’aventurent ici avec leur petite Lada tant les derniers km de la piste sont abruptes et caillouteuses. Il faut faire preuve d’abnégation pour hisser sa monture (et celle de son coéquipier quel que peu affaibli) jusqu’au sommet du col. Mais quelle satisfaction, quelle émotion d’y parvenir !
Changement de décor
La Naryn River semble être une ligne de démarcation naturelle entre le Kirghizistan septentrional et sa partie méridionale. Des hauts plateaux verdoyants perchés à 3000m, le Moldo-Ashuu Pass (3228m) nous plonge dans une descente vertigineuse aux contours qui rappellent les Alpes. En moins de 40 km, le changement de décor est brutal. Terres arides, végétation méditerranéenne et des reliefs modelés façon Capadoce. Un contraste saisissant, fascinant, et contre toute attente. A Tepek, au sud de Baetov, on posera le camp le long d’un improbable canal aménagé par l’homme… et il s’avéra être l’un de nos bivouacs les plus atypiques du séjour !
Balai royal
Si on espérait croiser le vol d’un aigle royal, oiseau chasseur emblématique des peuples nomades d’Asie Centrale, c’est finalement deux vautours de l’Himalaya qui nous offrent un balai royal au-dessus du Canyon de Tepek.
MELS
Marx, Engels, Lenin et Stalin ! Des figures emblématiques de la toute puissante Russie réunies dans cet acronyme qui donne le nom au Mels-Ashu Pass. Un col perché à 3380 m qui relie la ville de Baetov à l’immense vallée de Kara-Koyun, à quelques encablures de la frontière chinoise. Une piste roulante au milieu d’une palette de reliefs et de couleurs auxquels l’on ne s’attend pas. Atypique !
Sur la Route de la Soie
Je redoutais ce moment, cette partie de l’itinéraire. Asphalte, ligne droite à l’infini, pistes en tôle ondulée, un peu plus d’une centaine de kilomètres le long d’une des rares voies de communication avec la Chine, entre la région de Naryn et la région autonome du Xinjiang via le col Torugart (3750m). On est là sur la mythique Route de la Soie, aujourd’hui route moderne où les semi remorques ont remplacé les caravanes de chameaux et autres yaks d’Himalaya. Et, de manière improbable, un jeune kirghiz nous aura épargné une trentaine de km d’une piste poussiéreuse et peu roulante en nous embarquant dans sa bétaillère.
Berger de père en fils
A traverser ces immenses pâturages, à rouler au milieu des troupeaux, a croiser ces jeunes cavaliers, à cheval ou sur un âne, on prend conscience du poids des traditions et de l’importance du pastoralisme au Kirghizistan. Bien plus qu’une activité, c’est un mode de vie ancré dans la culture kirghize qui se transmet de père en fils, symbole de liberté.
Apikirghiz
Les ruchers du Kirghizstan sont à l’image de leurs vallées, démesurés ! Les récoltes sont proportionnelles à cette démesure. Trois tonnes de miel par an pour cet apiculteur rencontré au bord du lac Issyk-Kul dans sa miellerie-roulotte.
Ghost valley
Avec le recul, c’est le nom que je donne à cette vallée de la Naryn river, à l’est de la ville du même nom. On y croise quelques locaux, le nez dans le capot, quelques nomades, qui vous invitent à boire le kumis… et quelques cyclistes à contre sens. Les magasins pour ravitailler se font rares. On chemine dans les gorges de la Small Naryn river jusqu’à rejoindre le village fantôme de Tamdy-Suu. Par chance, on trouve un magasin. Il faut frapper au portail. Il y a l’essentiel pour ravitailler… et il y a du benzine !
La vallée des infinis
Infini les sommets qui nous dominent, infini les glaciers qui décorent nos bivouacs, infini les têtes de bétail qui pâturent dans l’immensité, infini les méandres que dessine la Burkhan River, infini la piste qui poursuit l’horizon, infini les émotions, infini la beauté !
Nous avons vécu là, dans cette Arabel Valley, nos plus beaux instants Kirghiz. Mais c’est aussi là que nous avons eu nos rares moments de doute, isolés dans cette vallée perchée à 3000m d’altitude, sans la moindre épicerie pour ravitailler sur près de 250 km. Et malgré cela, malgré un orage glacial de fin de journée, on aura été épargné par les éléments, rendant cette chevauchée plutôt serenne et inoubliable.
Arabel Plateau
Une fois gravi le Arabel Pass à presque 4000m d’altitude, s’ouvre devant nous l’immensité du plateau du même nom. Un paysage de tundra et de lacs, une terre brûlée par les vents, nul part où s’abriter. Pour seule demeure, une roulotte de berger, posée là au milieu de no man’s land ! Au loin, une autoroute de pylônes, une piste de la démesure… celle qui mène à la mine d’or du Kirghizistan, une des plus hautes du monde… mais aussi une des plus ravageuses pour les glaciers sur lesquels elle est adossée. C’est là, sur ce Arabel Plateau, face aux scintillements lointains de la mine, que l’on posera notre plus haut bivouac à près de 3800m d’altitude… et notre plus gelé aussi !
Juuku Pass 3633m
Ultime col, celui déconseillé par tant de cyclistes croisés, ultime vallée, celle à la beauté alpine, ultime descente, celle qui nous mène en douceur jusqu’aux rives sablonneuses de l’immense Issyk-Kul, ultime bivouac avant de rejoindre Karakol en stop. Fin d’un périple hors norme. Fin d’une itinérance dans des paysages de toute beauté. Fin d’une aventure dans un pays au peuple si attachant. Fin d’un rêve devenu réalité ! Merci à mes compagnons de route de m’avoir accompagné… supporté !